Les berges des rivières, fleuves, lacs sont des lieux de rencontre avec la nature qui invitent le promeneur à la contemplation voire même à la philosophie. On retrouve souvent ce que dit la chanson, « le pêcheur au bord de l’eau abrité sous son chapeau, qui est heureux et trouve la vie belle… ». Viennent aussi ponctuer les parcours, des petites pancartes écrites en anglais ‘’ No Kill ‘’. Les aficionados de la pêche n’ont pas besoin de traducteur. Ils savent depuis l’achat de peur permis de pêche qu’elles signifient que le poisson attrapé ne peut être ni tué, ni gardé.
Ah les braves gens ! les magnanimes, les généreux. Que de cadeaux faits à la nature. Quand on pense qu’ils auraient pu tuer ces poissons et les déguster le soir venu. Non, ils les rejettent à l’eau mais sans pour autant se poser la question de la souffrance qu’ils génèrent en les leurrant.
La souffrance, voilà un mot qui ne les concerne pas. L’homme a décidé qu’attraper un poisson avec un hameçon était une vraie partie de plaisir pour l’animal. J’ai entendu dire ‘’ Ce n’est que du cartilage, s’ils sentaient quelque chose, ils n’y reviendraient pas ’’. Sidérant ! ne pas imaginer qu’un estomac criant famine génère les pires imprudences.
« Ça crie mais ça ne sent pas », affirmait au XVIIe siècle le philosophe Nicolas Malebranche, tenant d’une conception cartésienne, mécaniste, de « l’animal-machine », à propos d’une chienne qu’il avait battue. La reconnaissance de la souffrance animale se heurte encore trop souvent à des résistances. Elle ne fait toujours pas l’objet d’attention de la part des pêcheurs même si la compassion à l’égard des bêtes en général est de plus en plus marquées dans notre société.
Jean-Jacques Rousseau nous dit « Il semble, en effet, que si je suis obligé de ne faire aucun mal à mon semblable, c’est moins parce qu’il est un être raisonnable que parce qu’il est un être sensible ; qualité qui, étant commune à la bête et à l’homme, doit au moins donner à l’une le droit de n’être point maltraitée inutilement par l’autre. » et paf ! en plein dans » l’ Emile » (ou presque), car pour être magnanime, un pêcheur n’hésite pas à traverser d’une épingle toute l’échine d’un vairon vivant qui ira pendant quelques minutes frétiller devant le brochet. L’un sera malgré tout sauvé, tandis que l’autre périra transpercé de part en part.
Mais voilà, peut-on encore appeler souffrance les tortures qu’on fait subir à des petites bestioles ? elles sont si petites qu’on ne peut tout de même pas gâcher le plaisir des hommes et puis, comme disent les bons pêcheurs humanistes ; » à petite taille, toute petite douleur ». Ben voyons!
Faudrait-il aller vers une intégration des animaux dans une nouvelle communauté politique, comme le suggèrent Will Kymlicka et Sue Donaldson ?
Mon propos n’est pas ici de vouloir supprimer la pêche, pas plus que la chasse du reste. Il est de dire que certaines dispositions spectaculaires prises dans le sens de la durabilité des activités ludiques occultent souvent la part qui doit en revenir à l’âme.
DS
Comments by Dominique Sidrac