“Ok Boomer” se diffuse depuis quelques mois sur les réseaux sociaux. Il témoigne de l’émergence d’une rupture générationnelle entre une jeunesse qui estime que la génération des “baby-boomers” a détérioré la planète et hypothéqué leur avenir.

Les années fertiles en naissances s’étalant de la fin des années 40 à la totalité de la décennie suivante ont été déclarées ‘’période du baby-boom’’ jusqu’à ce que ce sympathique anglicisme lexical subisse les affres de cinquante années d’existence pour devenir le ‘’Papy-Boom’’.

Mais que s’est-il passé durant tout ce temps écoulé ? Faisons un bref tour d’horizon.

D’abord, toutes les années 50 voire plus, ont été vouées à la reconstruction. Les balafres de la guerre créaient un chantier colossal. Villes et villages offraient un travail abondant. On peut en juger aux taux de chômage qui oscillaient entre 3 et 4%. (Qui quittait un travail le vendredi en retrouvait un le lundi suivant).

L’après-guerre fut ainsi une époque de grande productivité et surtout de grande créativité. {Développement du réseau ferroviaire (TGV) ; routier ; transports aériens (Concorde); chantiers navals, (Le France) ; construction d’hôpitaux ; développement des techniques médicales grâce à l’électronique, Minitel, puis progressivement l’informatique, (internet) etc.}

Pendant tout ce temps, la vie était ponctuée de fêtes, de divertissements, d’amusements. Il fallait bien rattraper tout ce temps de gaité que la guerre avait confisqué. J’irais jusqu’à avancer que les gens étaient heureux. Si l’abondance dans l’alimentation a marqué le pas pendant presque toute la décennie d’après la guerre, on peut avancer que les produits de première nécessité étaient bien là et que les enfants ne souffraient plus de malnutrition.

Ensuite est venue une période de pléthore. L’économie de marché imposée par les USA qui a débuté avec le plan Marshall, s’est peu à peu transformée en économie de libre-échange. C’est à ce moment que le gâchis a commencé. Personne n’a eu la vision de cette seconde invasion.

L’appât du gain des grands consortiums a tout renversé sur son passage en induisant l’hyperconsommation. Les économies de marché sont sans pitié et quand elles montrent leurs limites, il est souvent trop tard pour faire volte-face, (les tigres ne lâchent pas leurs proies). Ce développement s’est fait au détriment de la planète terre qu’on découvrait alors comme espace clos. La société était prisonnière de cette économie de marché, antagoniste à l’écologie.

‘’Mea maxima culpa’’.

Et puis tout s’est dégradé ; Trou d’ozone, canicules, sécheresses, incendies, pluies diluviennes, maintenant le retour des sauterelles, sont venus perturber la vie sur terre. D’un autre côté, la raréfaction de l’emploi, conséquence de la rationalisation du travail et du développement progressif de l’intelligence artificielle, se sont mis à créer de la misère. Les salaires pratiqués aujourd’hui, emmènent beaucoup de travailleurs vers une vie précaire. Ce ne sont pas encore les dix plaies d’Egypte qui resurgissent mais elles sont en nombre suffisant pour trouver des victimes expiatoires. Et là, il suffit de se tourner vers ceux qui ont construit le passé. Penauds, désemparés, pleins de contrition, attendant en ressassant la phrase stérile et idiote « que vont devenir nos enfants ? », le jugement dernier.

Sont venues alors les années de politiques socialistes aseptisées, à court d’idées, bêtement bien-pensantes, asséchées par des années de règne sans vision. Elles ont mené entre autres choses à ces jugements manichéens qui classent aujourd’hui les fumeurs parmi les salauds parce que couteux à la société, qu’il faut frapper d’ostracisme; les chasseurs parmi les pires ordures tout comme les consommateurs de viande, assassins d’animaux domestiques. Ces raisonnements binaires se prolongent aujourd’hui sur les retraités issus du baby-boom. Probablement avez-vous entendu la nouvelle expression ‘’ok boomer’’. Elle est adressée aux vieilles générations qui osent encore donner leur avis. Ok boomer signifie ‘’ fermez vos gueules, vous avez assez fait de dégâts comme ça ! ’’.

L’expression péjorative et stigmatisante est lancée à la cantonade comme une fatwa avec comme espoir inavoué, une récupération par quelque intégriste déterminé. Ce terme peut paraître de prime abord anodin mais la communication sur les réseaux sociaux enflamme vite la toile qui devient le terreau fertile de la calomnie. Les générations issues du Babyboom sont vues comme coûteuses, inutiles et avant tout responsables des maux contingents au XXIème siècle. Mais qu’auraient fait nos accusateurs à notre place ? Mieux sans aucun doute puisque la main sur le cœur, ils vous le jurent, comme ils pourraient vous jurer aussi, qu’en 1940 ils n’auraient pas fait partie des 40 millions de pétainistes.

Dans notre évolution sociétale, nous avons atteint le temps de la ‘’non-transition’’. Du mal on passe au bien en oubliant que des millénaires durant l’homme a vécu de la chasse, des millénaires durant, la nicotine a servi de stimulant cérébral souvent à l’origine de la créativité, que l’homme est omnivore depuis toujours et que le véganisme implique une philosophie nouvelle qui mettra à bas les religions dont nous avons encore, malgré nous, le plus grand besoin. (Voilà qui fera plaisir à Charlie Hebdo). Cette courte énumération n’est pas exhaustive, on pourrait en écrire des pages.

Ma pensée va maintenant vers ceux qui se vautrent dans l’informatique superflue et se cramponnent à leurs travers connectés (jeux vidéo, les applications smartphone, Facebook, tweeter et bien d’autres choses encore), que ces pratiques pour la plupart sans intérêt sont autant de bouteilles plastiques à la mer. ’’Liker’’ la banalité d’un tweet revient un peu à balancer des kilos de déchets dans l’océan mais ils doivent savoir aussi que leurs addictives occupations ne sont pas issues de leurs systèmes neuronaux mais hélas, de celui des ‘’OK boomers’’. N’en déplaise aux petites filles qui rêvent donner la fessée à pépé.

Enfin pour mettre l’eau à la bouche à ceux qui persistent et signent dans leur pensée étriquée, je les renvoie au roman de science-fiction ‘’Soleil Vert (1966) de Harry Harrison’’. Mais pour cela bien évidemment, il faut commencer par lire et oublier quelques instants Facebook et Instagram.

DS