Depuis le tréfond de son animalité l’individus conserve en lui une violence latente qui ne manque pas de s’exprimer dans certaines circonstances et l’effet meute en est une qui constitue un terreau fertile pour la libérer.

Depuis le début de la saison de Ligue 1, les supporteurs s’illustrent par leur indiscipline, gâchant la fête après plus d’un an de fermeture des stades. Les violences se sont multipliées en France et on retrouve ce phénomène ailleurs à l’échelle planétaire. Pas besoin de remonter très loin dans le temps. Le 4 octobre, lors du derby entre le Los Angeles Galaxy et le Los Angeles FC, il y a eu des incidents entre les supporters des deux camps à la fin du match, dans les travées du stade.

Pourquoi l’hooliganisme ne sévit pas dans les stades de rugby ?

La réponse ne peut pas tenir dans la plus grande popularité du football par rapport au rugby puisqu’aujourd’hui en tous cas pour ce qui concerne l’Europe, on peut avancer que l’engouement pour les deux activités sont assez proches. Le Stade de France rassemblait quelques 80 000 spectateurs lors dernier France/Nouvelle Zélande. Il se dégage du spectacle qu’apporte ces deux sports que chez l’un, les spectateurs sont disciplinés et respectueux de ce qui se passe sur le terrain, chez l’autre tout au contraire, il est un défouloir.

L’analyse du phénomène conduit à mettre en évidences un faisceau de caractéristiques qui peut expliquer partiellement ce phénomène.

D’abord le rugby est un sport de combat. La violence est permanente mais elle s’exprime sur le terrain entre les joueurs eux-mêmes et elle finit par susciter de la part du public, une compassion aussi bien pour l’une que pour l’autre équipe. Les spectateurs souffrent pour les hommes qui s’affrontent et se vident ainsi progressivement de leur propre violence. Lors des percussions ou des violents plaquages qui sont partie intégrante du jeu, la souffrance de la foule est visible et unanime. Elle s’exprime par des onomatopées qui en disent long sur le ressenti. La tricherie dans le jeu n’existe pratiquement pas naturellement, de plus l’arbitre ne manquerait pas de servir. La tâche de cet homme est avant tout de conseiller les joueurs avant de punir s’il n’est sont pas entendu.

Un match de football est un jeu qui doit se dérouler tout en finesse, de manière subtile et non brutale. Tout y est presque interdit. La violence entre joueurs est en permanence refreinée par les règles et finit par s’extérioriser en prenant la forme des tricheries. Les joueurs mettent les nerfs du public à rude épreuve en recherchant la faute de l’adversaire en permanence. Pour le public l’une des deux équipes n’est plus un adversaire elle est vue comme un ennemi. Ici, contrairement au rugby, l’arbitre est à l’affût des fautes et va très souvent dans le sens de la comédie. Il n’est pas l’élément modérateur. Trop souvent au contraire, il attise les passions même si l’utilisation de l’AVAR aujourd’hui réduit les erreurs. Le spectateur se sent lui-même agressé et distille pour certains une véritable haine envers ceux qui le frustrent.

Au rugby les joueurs sont vu comme des copains facilement abordables. La tradition veut que les repas d’après-match incluent des supporteurs enfants et adultes. Il existe sauf rares cas une exemplarité dans ce sport. La notion de richesse n’existe pas, à l’inverse de cette hyper protection des joueurs de football richissimes qui dédaignent le plus souvent leur public même si on les voit quelques fois saluer la foule avant de s’engouffrer dans les tunnels des stades ou dans les bus.

Le football professionnel n’est plus aujourd’hui que l’image d’une élite sportive multimillionnaire courant toujours après plus de profits faisant fi des populations qui la portent au pinacle tout en la jalousant. Un joueur adulé aujourd’hui sera le traitre à abattre demain parce qu’il aura été voir des horizons nouveaux dans d’autres clubs.

Tout ce contexte n’est pas une excuse pour développer la violence, mais il fait que les stades deviennent des lieux explosifs lors de derbies ou de grandes compétitions. La faible coercition qu’oppose l’état aux clans des supporteurs fait d’eux, selon les rancunes, de véritables hordes de malfaisants où le racisme s’exprime librement. On en revient à l’effet meute. Cependant un distinguo doit être fait entre le football féminin et masculin. L’argent n’a toujours pas gâté les fruits du ballon rond du côté des femmes. Espérons qu’elles restent encore longtemps modestes.

Chaque nation possède sa culture propre et la société qui la compose n’attribue pas aux valeurs ou aux évènements la même importance. Si aujourd’hui le football est un phénomène mondial, le comportement des supporteurs répond à une discipline que lui inculque un état d’esprit lui-même forgé par la coercition.

‘’Il faut que l’individu accepte la notion sociale, qu’il n’y a pas de loi, sans l’idée de sanction, de coercition’’. Barrès, Mes cahiers, t. 1, 1896-98, p. 262.

DS