Selon les statistiques, la dernière coupe du monde de football a réuni presque trois milliards d’hommes et de femmes. La Covid 19 étant, je ne sais pas si cette année encore pendant un mois la FIFA rassemblera la moitié de l’humanité sous sa seule bannière. Le ballon rond a été ce ventre qui a enfanté une fraternité certes éphémère mais qui a eu le mérite de rapprocher les peuples et ceci sans distinction de couleur de peau, de statut social ou encore de religion.

Mais qu’est-ce que la fraternité ?

« Quant à toi qui nous sauves, Bédouin de Libye, tu t’effaceras cependant à jamais de ma mémoire. Je ne me souviendrai jamais de ton visage. Tu es l’Homme et tu m’apparais avec le visage de tous les hommes à la fois. Tu ne nous as jamais dévisagés et déjà tu nous as reconnus. Tu es le frère bien-aimé. Et, à mon tour, je te reconnaîtrai dans tous les hommes. » ‘’Échoués dans le désert’’ – Saint Exupéry ; Terre des Hommes.

La fraternité, c’est ce sentiment émouvant de proximité avec les autres humains. C’est le moment où la conscience de nos ressemblances submerge la conscience de nos différences qui apparaissent minimes, dérisoires, absurdes. C’est le moment où nous sautent aux yeux nos similitudes sur ce qui est fondamental. Nous avons tous mes mêmes besoins, les mêmes aspirations, les mêmes idéaux, les mêmes faiblesses. Souvent nous faisons l’expérience de la fraternité lorsque nous sommes émus ensemble dans la joie ; lors des fêtes, des victoires sportives, ou dans les peines ; les deuils, les attentats, les catastrophes. Nous pouvons aussi éprouver ce ressenti lorsque nous sommes émus par notre bonheur car les émotions positives nous ouvrent souvent aux autres, ou par le malheur d’autrui comme dans la compassion cette empathie douloureuse habitée par de l’affection. La compassion se caractérise par la conscience de la souffrance d’autrui, le désir de la soulager par la conscience que nous pourrions être à sa place.

Le sentiment de fraternité est salutaire, il écarte de notre esprit les pollutions individualistes du monde moderne comme les mots d’ordre tels que ‘’vous êtes unique, singulier, différent’’ qui ne sont que des leurres. Paul Valéry écrit dans ‘’tels quels’’ ; Les hommes se distinguent par ce qu’ils montrent et se ressemblent par ce qu’ils cachent ». Souvent ce que nous montrons et affichons est superficiel, vêtements, statut social, et ce que nous cachons est essentiel ; les besoins, les peurs, les espérances.

Notre conscience nous offre de nombreuses occasions d’accéder au sentiment de fraternité, de nous interroger sur le prêt-à-penser, du « moi je » pour aller au-delà vers le « nous ». En général, tout démarre sur la pente des émotions, (ces petits signaux physiques qui nous avisent que quelque chose d’essentiel et d’universel se joue en nous), et surtout des émotions sociales. Quand nous sommes émus par autrui, c’est que le sentiment de fraternité commence à s’activer. Sans elle, la liberté et l’égalité nous laisseraient dans la solitude, l’égoïsme, le matérialisme. Un des devoirs des dirigeants politiques est de faire vivre le sentiment de fraternité, de rapprocher les citoyens et de multiplier les contextes d’actions communes. La fraternité se construit chaque fois que des humains travaillent ensemble à une tâche difficile. Ils font équipe au lieu de s’affronter, ainsi naît la fraternité avec pour conséquence naturelle, la solidarité. Fraternité et solidarité sont à la base des sociétés et les sociétés sont les modératrices de nos passions.

Si le football est capable de donner une notion de ce qu’est la fraternité (même éphémère), alors vivement la prochaine coupe du monde.

DS