Une France devenue faible.

Le siècle des lumières a structuré la pensée française et fait de la France pendant des décennies, le phare intellectuel de l’Europe. Cet état de grâce n’est plus aujourd’hui qu’une posture arrogante vécue par les autres nations comme la leçon permanente que leur donne ce pays qui n’est plus que l’ombre de lui-même. La crédibilité de la France s’est éteinte avec la disparition d’un De Gaulle rayonnant mais trop en avance sur son temps pour qu’une relève efficace poursuive son œuvre.

Avec l’évolution de la société et les politiques médiocres exercées depuis la fin des années 60, les valeurs républicaines ont subi une déviance pour devenir pour certaines de véritables TOC. Particulièrement la laïcité, et par résonnance la liberté d’expression. Cependant la France n’a plus l’intellectualité pour mener à bien des politiques cohérentes incluant ces deux valeurs. Elle n’a plus que des ersatz de penseurs à l’image des Foccart, Attali, Minc, Jouyet, Buisson et consort finalement peu visionnaires, tout comme des pseudo-philosophes obnubilés par leurs prestations médiatiques. L’essor des médias audiovisuels depuis vingt ans a creusé le fossé entre intellectuels « médiatiques » et penseurs universitaires.

Déjà Foucault, Bourdieu et l’essayiste Régis Debray, dans des genres différents, constataient en leur temps la disparition de l’intellectuel généraliste (ou « littéraire ») engagé, sur le modèle de Voltaire, Zola ou encore Sartre. La dernière pensée constructive s’en est allée avec Aron.

Un passé colonialiste

Toutes les œuvres de la France laissées par l’occupation de l’AOF[1] ne sont pas à rejeter. Beaucoup servent et serviront encore pendant longtemps. Quel dirigeant politique est aujourd’hui capable ou encore a le courage de vouloir résoudre les problèmes qui se posent à la France en particulier celui d’assumer son passé colonialiste ?  La récurrence des vaines excuses est une démarche contre-productive qui ne fait qu’exacerber la détestation de la France. Elles font partie du socle qui a conduit au communautarisme qu’on connait aujourd’hui. Certes elles ne sont pas la cause essentielle du communautarisme existant puisque le fait majeur est celui de n’avoir pas su ni voulu intégrer ou assimiler au sortir du dernier conflit armé avec l’Algérie les populations françaises musulmanes réfugiées. On peut considérer cela comme l’erreur majeure de De Gaule.

Les générations nouvelles issues de ces français musulmans ont pour la plupart un sentiment de non appartenance à une quelconque nation. Elles se considèrent comme des générations perdues. Se sentant peu concernées par les codes républicains, elles s’approprient ceux d’un Islam déviant peu en phase avec la culture occidentale. (Port du voile, tenue vestimentaire, régime alimentaire etc.). Elles créent des zones de non-droit. De cet état de fait, une partition de la société est inévitable. (Le port du voile est devenu pour beaucoup de femmes plus une réaction à la marginalisation ressentie qu’un acte religieux sincère.). Musulmans et non musulmans semblent être en totale opposition.

Une religion nouvelle en France

Si la mosquée de Paris occupe la rue Georges-Desplas depuis 1923, la religion musulmane n’a toujours pas fait son lit en France pays de tradition judéo-chrétienne. Cette religion dont les fondements aspirent plus à la théocratie qu’à une république démocratique pose la question de sa compatibilité avec le système politique français. L’islamisme constaté aujourd’hui, même si c’est un terme d’usage controversé, crée un malaise général renforcé par une radicalisation et un terrorisme qui disent agir au nom de l’Islam. Ici apparaît un problème majeur, l’incapacité des dirigeants politiques à faire l’exégèse des textes coraniques afin de définir si oui ou non l’Islam est compatible avec la république ou encore de quelles façons il peut l’être. Pour le profane, le flou existe. A cette méconnaissance on brandit l’intégrisme laïc que l’on considère par l’absence d’application des forces coercitives, comme le glaive d’une justice adaptée à un problème insoluble. Trop peu d’intellectuels non musulmans se sont penchés ou se penchent encore sur cette question afin d’éclairer les populations et supprimer le doute existant. Doute aujourd’hui légitime quand on sait que les Frères Musulmans bien établis en France œuvrent en sous-main en pratiquant la taqiyya, (double jeu) et que la grande majorité des musulmans reste trop discrète pour ce qui est de la défense des valeurs républicaines même si certains imams au risque de leur vie ont violemment condamné les derniers actes terroristes odieux. Ces condamnations sont effectives mais restent ponctuelles. D’autre part la vacuité des propos tenus par nos dirigeants après des actes odieux est effarante et les français sont las de ces postures convenues qui ne font qu’exacerber le rejet de la classe politique (‘’ils ne passeront pas’’ a été une des dernières banalités dites par le Président. Cette devise ‘’no pasaran’’ chère à la Passionaria au cours de la guerre civile espagnole n’a rien arrêté du tout. La dictature de Franco a sévi pendant presque 40 ans. Le Président devrait revoir ses citations historiques).

Aujourd’hui l’immobilisme politique, conduit à la marginalisation de la grande majorité de la population musulmane voulant vivre en harmonie avec tous les concitoyens. Il ne faut pas se voiler la face mais les actes terroristes érigent une barrière de haine entre musulmans et non musulmans. La partition de la société est faite. Les amalgames sont inévitables. Ainsi l’autoradicalisation fait considérer pour beaucoup de citoyens, les musulmans dans la force de l’âge, comme des dangers potentiels. À un moment donné, le rejet voire la haine se concrétisera en graves désordres, émeutes voire insurrection et c’est probablement ce que souhaite ceux qui fomentent contre la France (Conflit balkanique bis repetita ?).

Une élite musulmane rare

Une élite intellectuelle puissante existant aux côtés et avec les croyants fait défaut. Elle devrait être un phare éclairant pour les jeunes musulmans qui ne trouvent pas de modèle social attractif sur lequel ils pourraient se projeter. Pour cela il y a la nécessite de se mêler aux pratiquants, d’aller prier avec eux. Selon Didier Leschi ‘’certains intellectuels musulmans affichent une forme de mépris pour les fidèles, issus pour beaucoup de milieux modestes’’.

La reconquête des zones de non-droit est un préalable à la solution du communautarisme, puis comme existe une police fiscale, un corps de police adapté c’est à dire capable de discerner les actes religieux délétères de la normalité pourrait peut-être redonner confiance et ressouder les populations. Ce corps de police intégré par des musulmans pourrait gagner la confiance des citoyens par des coups d’éclat réguliers. Qui d’autres qu’un musulman peut ressentir les déviances religieuses voire les radicalisations, qu’un autre musulman ?

Créer ce corps de police spécial ne serait pas renforcer le communautarisme mais au contraire créer un lien de confiance entre les citoyens de religion différente.

Une France malade de sa laïcité.

Comme dit plus haut, notre laïcité est sectaire et intolérante et par résonnance autorise l’insulte. Faire l’amalgame entre le blasphème adressé à une déité et les insultes visant les croyants est l’erreur qui soulève les passions. On brandit cette laïcité comme le glaive vengeur des problèmes qu’on ne sait pas résoudre en même temps qu’elle symbolise la liberté suprême. (Macron a commis une grave erreur politique et diplomatique en validant les caricatures de Charlie Hebdo qui insultent plus les croyants que les déités auxquelles il ne croit pas. Hassan Nasrallah secrétaire général de l’organisation chiite Hezbollah qui est loin d’être un enfant de chœur, avait fermement condamné les odieux derniers attentats, « cet acte est rejeté par la religion musulmane qui interdit de tuer des innocents », mais il dénonce aussi le fait que les autorités françaises aggravent par leur entêtement la controverse à ce sujet).

Ce que les ayatollahs de la laïcité visent c’est le désert cultuel donc par ricochet l’apostasie de la culture judéo-chrétienne qui vise à la suppression des fêtes religieuses, Noël, Pâques, Pentecôte etc. Quand une nation opte pour le déshonneur du rejet de sa culture dans le but d’éviter les conflits sociaux, elle se condamne à la guerre.

Pour continuer à afficher sur le fronton de ses mairies ses valeurs républicaines, la France doit revoir la copie de sa laïcité. Pour les Anglo-Saxons, liberté d’expression ne doit pas rimer avec provocation. C’est peut-être l’exemple à suivre. Il semblerait qu’en France la liberté se mesure à l’aune de la laïcité. Gardons à l’esprit que des démocraties ont ajouté une dose de dieu dans leur constitution et que leurs populations n’en sont pas pour autant privées de liberté. Mon propos n’est pas de dire qu’il nous faut intégrer à notre tour un dieu dans notre constitution, il est de dire que la tolérance est aussi une valeur républicaine et que tous les signes ostentatoires des religions ne bouchent pas forcément les horizons.

Dans mon article précédent j’avais dit à propos de la justice sociale que la France pratiquait deux poids deux mesures. J’en veux pour preuve que dire dans la rue à une femme qu’elle a de belles fesses est un harcèlement condamnable alors que brandir à l’entrée d’une église la couverture d’un Charlie Hebdo affichant en première page « « tous les croyants sont des cons », passe pour être une liberté d’expression. Comprendra qui pourra.

DS

[1] Afrique Occidentale Française